Entretien avec Pierre SAGE, expert de la méthode globale


Entretien avec Pierre SAGE, expert de la méthode globale

Dans cet article, nous sommes allés à la rencontre de Pierre SAGE, entraineur adjoint de Lyon Duchère ( National 1 ). Vous allez découvrir un entraineur passionné de football et de l’approche globale. Cet entretien riche va vous permettre de mieux appréhender cette méthode qui fait notre quotidien d’entraineur.

Bonjour Pierre, d’abord peux-tu te présenter ?

J’ai 39 ans. J’occupe actuellement le poste d’entraîneur adjoint à Lyon Duchère AS en National. Cette fonction reste mon principal travail mais en parallèle, je cumule d’autres activités. Je possède une société de management du sport et formation avec laquelle j’accompagne des structures dans leur développement sportif ou des personnes dans le cadre de formations. Aussi, je suis enseignant vacataire à l’Université Lyon I, notamment auprès des étudiants en STAPS. Malgré ces différents « métiers », je demeure un grand passionné de football et de sa manière de l’enseigner. Ceci m’amène à être en veille permanente sur les méthodes et autres approches, en France, comme à l’étranger. Il m’arrive donc régulièrement de voyager pour découvrir de nouvelles choses ou approfondir mes propres méthodes. Cette ouverture me permet de garder une forme de dynamisme en termes de connaissances et de méthodologies imposé par le métier d’entraîneur.


Étant expert sur la méthode globale, comment la définirais-tu ? Quels sont les principaux avantages de cette méthode ?

La méthode globale m’a été enseignée en 2003 et depuis, je ne cesse de l’approfondir, la peaufiner, la confronter… La méthode globale est, selon moi, ce qui nous rapproche le plus de l’essence, de la logique interne et des enjeux de l’activité. En effet, cette méthode prend en compte et met en interaction l’ensemble des paramètres fondamentaux qui composent l’activité. Ainsi, l’ensemble des contenus est orienté en fonction des matrices tactiques. Je m’explique. Les habiletés mentales, athlétiques ou techniques sont reliées à un objectif tactique. Elles sont donc des moyens, des ressources permettant d’atteindre ce même objectif. De plus, leur développement se fait en contexte, c’est à dire avec un ensemble d’éléments en interaction nous rapprochant de la réalité du jeu : espace, temps, ballon, cibles(s), partenaire(s), adversaire(s)… Enfin, l’interaction des dominantes de la performance (tactique, mentale, athlétique et technique) peut se jouer à plusieurs niveaux allant de la double interaction, comme le tactico-technique, par exemple, jusqu’à la quadruple interaction avec l’ensemble des dominantes en jeu au même moment, ou en tout cas, sur la même situation d’apprentissage. Edgar MORIN dit qu’il est nécessaire de relier les connaissances, je pense qu’il faut en faire de même avec les éléments constitutifs du football.

On a tendance à l’opposer à la méthode analytique, n’est-elle pas un bon complément ? Selon toi, qu’est-ce que le travail analytique peut apporter dans la formation du jeune footballeur et l’adulte ?

Je pense que l’opposition est malvenue. On peut très bien considérer les choses de deux manières différentes sans forcément les opposer. L’important n’est pas de savoir qui a tort ou raison ou qui fait mieux que l’autre… L’important est de faire des choses qui nous parlent et nous semblent cohérentes ! Certains éducateurs appliquent des méthodes différentes d’une situation à l’autre mais l’ensemble forme un « Tout » cohérent ! Ce que j’évoquais tout à l’heure au sujet des matrices tactiques peut très bien s’appliquer sur un exercice analytique. Prenez par exemple un circuit de passes sans opposition avec les joueurs positionnés dans un système de jeu, il peut très bien être conçu en s’appuyant sur une règle d’action et donc, avec des enchaînements de passes orientés. Dans cet exemple, vous êtes aux limites des méthodes… Et encore plus, si vous accordez une certaine liberté d’action aux joueurs. Il n’y a rien de grave là-dedans, il suffit juste de savoir ce que l’on fait et pourquoi ! Concernant les apports du travail analytique, je ne m’engagerai pas dans une réponse car je ne l’utilise pas. Je ne peux pas considérer un travail sans incertitude, ni choix à opérer. Mais encore une fois, chacun est capitaine de son propre bateau…


Quels sont les différents points à respecter pour une séance sous forme globale réussie ?

Tout dépend du contexte et des objectifs. Plutôt que de donner une recette toute faite, je pense qu’il est préférable de s’orienter vers un certain nombre de questions. Dans quel contexte intervient cette séance ? Quels sont les problèmes de jeu rencontrés ? Quels sont les objectifs qui en découlent en termes d’apprentissages ? Quel niveau de complexité ? Quels éléments sont en jeu ? Quels sont les aspects mentaux, athlétiques et techniques qui découlent de mon objectif tactique ? En cascade, quels sont les contextes de jeu à créer ? Quelles sont les variables pédagogiques qui vont nous permettre de recontextualiser ces situations ? Nous pouvons nous poser les mêmes questions avec une autre approche, preuve, encore une fois, qu’il existe plusieurs chemins… Pour autant, je pense qu’il faut aller du complexe au « simple », du problème de jeu aux moyens… pour éventuellement, revenir au complexe en fin de séance. Pour cela, il faut manipuler les variables pédagogiques et faire en sorte de se situer dans les bons intervalles en termes d’intensité, de volume, de complexité de la tâche. Je ne pense pas que nous pouvons maitriser 100% des paramètres, mais nous devons tendre vers cela. C’est l’ingénierie de l’entraînement !


Dans le milieu amateur, certains gestes techniques comme le centre, la reprise ou même le jeu long sont difficiles à travailler sous forme globale. La quantité et la qualité baissent fortement. Partant de ce constat, que préconises-tu pour obtenir la quantité et la qualité nécessaires sur ces gestes ?

Cette question est intéressante car elle nous renvoie aux éléments favorisant l’apprentissage. Il ressort que l’acquisition des gestes techniques s’organise autour de 4 facteurs : la quantité, la qualité, la variété et le mouvement (certains parlent de vitesse). Pour favoriser l’apprentissage, il s’agit donc de plonger les joueurs dans des environnements où ces 4 facteurs peuvent cohabiter. Ainsi, la variété des situations va souvent à l’encontre de la quantité. En parallèle, nous savons que le fait de plonger les joueurs dans des situations demandant des adaptations permet des apprentissages plus « durables et profonds ». Il n’est pas question de mettre ces facteurs en compétition mais plutôt, de les hiérarchiser. De cette manière, si j’avais à prioriser, je placerais la variété comme l’élément premier ! De manière pratique et afin de répondre à la question, pour augmenter la quantité, je pense que réduire les effectifs au maximum en les plaçant en supériorité numérique peut être le bon compromis. Aussi, il faut éliminer tous les « parasites » qui précèdent la mise en situation et l’application du geste attendu… Par exemple, si vous souhaitez travailler le jeu de volée, il n’est pas nécessaire que les joueurs échangent plusieurs fois le ballon avant le centre et la volée. Cet exemple démontre aussi que nous pouvons travailler deux gestes sur une même situation pour des joueurs différents, une autre solution pour optimiser et éventuellement, individualiser les temps de travail.


De plus en plus d’éducateurs utilisent la méthode globale, quelle(s) astuce(s) pourrais-tu délivrer aux entraineurs afin de rendre le travail technique plus ludique ?

Je pense que le travail technique sous forme globale est ludique en lui-même car il propose un rapport d’opposition. Bien que cette approche soit sortie des radars dans différents contextes, je pense qu’elle reste puissante et optimale. Sa puissance se joue dans les liens qu’elle crée avec la réalité du jeu et au niveau de son efficacité en termes d’apprentissages. Son optimum, quant à lui, se joue au niveau du gain de temps que cette approche engendre au travers du développement de plusieurs dominantes en un même temps et de la cohérence qu’elle apporte en reliant ce travail à la matrice tactique. Pour renforcer son côté ludique, même si je pense que ceci s’applique à toutes les méthodes, il faut mettre les joueurs en compétition ou les stimuler avec des critères de réussite puis des buts motivationnels…


La méthode GAG ( Global – Analytique –  Global ) est reconnue dans le cercle des entraineurs, qu’en penses-tu ?  Peux-tu nous proposer un modèle de structure ?

Je comprends et valide l’architecture de la méthode GAG en termes de processus pédagogique et d’apprentissage. Par contre et comme dit plus tôt, je n’utilise pas la méthode analytique. Du coup, je suis au quotidien dans le tout global et il m’arrive de temps en temps, de créer et proposer des situations sans opposition mais avec de fortes contraintes et/ou des choix à opérer. Ce postulat impose de prendre en compte la charge cognitive et en cascade, la capacité des joueurs à être concentrés sur ce qu’ils ont à faire ou à résoudre. Nous ne pouvons pas considérer le fait d’entraîner « le tout » et négliger ce paramètre fondamental. Nous recherchons le 100% sur ce plan en sachant qu’il varie d’un jour à l’autre en fonction de la proximité du match précédent et de la fatigue qu’il a généré… Ces réflexions trouvent des réponses intéressantes dans la périodisation tactique. Et, j’encourage tous les éducateurs à s’ouvrir à cette méthodologie.


Pour clôturer cet entretien, quel(s) livre(s) conseillerais-tu   aux lecteurs de Entrainement Football Pro ?

Sans hésitation, je conseillerais les livres de Jean-Francis GRÉHAIGNE. Tous ses ouvrages illustrent que le football est un sport intelligent et complexe. La littérature française spécifique n’est pas très riche. Il faut donc ensuite se tourner vers l’étranger ou vers d’autres domaines. À l’étranger, il existe des travaux magnifiques et très inspirants sur le jeu de position et la périodisation tactique. Enfin, je pense qu’il est nécessaire d’aller chercher de l’information dans d’autres domaines et l’adapter à notre activité d’entraineur de football. Quelques exemples : les travaux sur la complexité d’Edgar MORIN, les théories sur les systèmes dynamiques, les théories sur l’intelligence collective… Je considère que chaque éducateur doit se créer sa propre réalité. Il y a des choses intéressantes à prendre un peu partout… Il suffit juste de les relier à notre réalité. C’est sûrement le verbe que nous devons conjuguer le plus et ce, à tous les temps et tous les modes.

Un grand remerciement à Pierre SAGE pour le temps accordé à entrainementfootballpro.fr et la pertinence de cette intervention. Pour tout les amoureux du foot, cet entretien va vous ouvrir de nouvelles perspectives…

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